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Documentaire - Juin 2018

 Juin 2018 - Reportage du mois: L'ile aux fleurs!

 

L'ile aux fleurs

 

L'ile aux fleurs! par Jorge Furtado

 

 

Douze minutes d’une formidable évidence.
Douze minutes qui suffisent pour mettre en branle les rouages indéfectibles du commerce mondial.
Douze minutes d'images agrémentées de commentaires d'un humour implacable.
Jusqu'à la fin où tout le monde arrête de rire.

Car si le sujet remonte à 1989, il n'a pas pris une ride, et l'humour paradoxal inhérent au film laisse une impression d'absurdité tout en étant la chose la plus sérieuse au monde. Ce reportage de ce très talentueux Furtado, de retournements en glissements met en route la douche écossaise avec ce rire caustique que le sujet provoque, rire caustique qui s'étrangle dans notre gorge aussitôt après avoir été suscité. C'est gênant, déroutant, suscitant un comique de l'absurde ce qui ne vient pas du discours de l'auteur mais du monde dans sa rationalité même.

C'est le cycle infernal de la société de consommation et d'exclusion.

La charge de ces douze minutes est d’autant plus forte qu’elle s’inscrit dans le normal, la vérité, la logique du monde, décrit avec cet humour qui est, comme chacun sait, la politesse du désespoir. Et la dénonciation est d’autant plus efficace que l’horreur n’est pas dite mais nous saute à la gorge. Si l'on ne sait pas très bien où l’on va, écrit Kermabon. On revient sans cesse sur les mêmes choses, en particulier sur cette supériorité de l’homme: son ‘encéphale hautement développé et son pouce préhenseur’. Les images sont hétérogènes, mêlant des scènes de documentaires, des portraits (individuels et de groupe), des séquences d’archives, des schémas, des collages où l’image tressaute comme un flipper électrique. L’Île aux Fleurs, c’est le chaos du monde filmé et classé par une sorte de facteur Cheval du documentaire qui […] brasserait un bric-à-brac de données platement objectives sur fond d’ironie et de lucidité pessimiste".

Certes, L’Île aux Fleurs n’est pas une fiction, et tant pis si le spectateur habitué aux poncifs du dispositif cinéma s’attend, à la vision des premières images à ce qu’il en soit une.
Certes, en tant que parodie du documentaire classique, ce court métrage reste très facilement accessible et n’exige pas forcément une grande activité de la part du spectateur, qui subit plus qu’il n’agit. Mais au-delà de ce premier degré, de l’étude que l’on peut en faire comme d’un document sur les structures économiques, un second degré d’analyse en tant que démarche cinématographique originale est à prendre en compte. Pour ce faire, revenir sur la genèse du film paraît nécessaire. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce petit chef-d’œuvre dont l’inventivité coupe le souffle est un film de commande. En 1989, Jorge Furtado est chargé par l’université de Rio Grande do Sul de réaliser une vidéo sur le traitement des déchets. Choqué par ce qu’il découvre tout près de chez lui (il vit à Porto Alegre), il met huit mois pour écrire un scénario auquel il donnera cette forme étonnante, inattendue, sardonique, comme si, pour lui, la dérision était le seul moyen d’avancer face à une réalité à ce point tragique et honteuse.

L’Île aux Fleurs un film qui ne se range pas: on le garde sous la main, partagé entre un sentiment d’aigreur, voire de crainte à l’idée de le revisionner, et une envie d’en faire partager la force d’adéquation formelle et thématique au plus grand nombre.

Prochain docu en septembre, bonnes vacances, imprégnez-vous et surtout, revenez plus riches!